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Astrophysique1050

L'astrophysique au collégial - Martin Aubé et François Gaudreau 2012


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La mesure des distances

La détermination des distances est une étape cruciale pour l'étude de l'univers. On conçoit aisément par exemple que, pour une même luminosité apparente, il sera à priori difficile de distinguer un objet très lumineux mais très éloigné d'un objet peu lumineux rapproché. La détermination précise de la distance d'objet éloigné demeure encore difficile à réaliser.

Pour une partie des éléments du système solaire (les plus rapprochés), la technique moderne d'écho radar permet une mesure facile et précise de leur distance. La méthode est simple, on envoie une impulsion radar dans la direction de l'objet étudié, puis on tente de recevoir la signal provenant de la réflexion à sa surface. Comme les ondes radars sont en fait des ondes lumineuses de grandes longueurs d'ondes, leur vitesse est égale à celle de la lumière. La mesure de distance se résume donc à une mesure du temps séparant l'émission et la réception convertie en distance à partir de la définition de la vitesse. La distance des autres éléments du système solaire est obtenue à partir de méthodes reposant sur l'étude de leur caractéristiques orbitales. Ces observations jointes à la loi de gravitation et au lois du mouvement de Newton permettent une détermination relativement aisée.

La détermination de la distance d'étoiles proches peut être effectuée par des méthodes directes qui ne reposent pas sur des hypothèses incertaines. Ces mesures sont donc relativement précises. À partir de cet échantillon d'étoiles proches, on étudie les propriétés récurrentes de chaque classe d'objet. De telles études corrélative permettent de franchir un nouveau pas vers la détermination de la distances d'objets moyennement éloignés (objets éloignés dans la galaxie ou galaxies proches). Il s'agit des indicateurs primaires. Pour étendre notre connaissance des distances à tous les objets de l'univers, on calibre ensuite une nouvelle classe d'objets intrinsèquements plus lumineux: les indicateurs secondaires. Ces indicateurs sont calibrés à partir des indicateurs primaires, ils sont donc beaucoup moins précis.

La paralaxe annuelle

La méthode de la parallaxe est la plus simple des méthodes directes. Cette méthode ne permet toutefois pas de dépasser une distance de 20 parsecs. Elle permet de déterminer la distance des 700 étoiles les plus proches du Soleil avec une précision de moins de 10 %. La méthode repose sur le fait que la terre se déplace sur son orbite. La position apparente des étoiles proches semble bouger par rapport aux étoiles plus lointaines considérées fixes (figure 105a). Ce phénomène est analogue au fait qu'un observateur en mouvement rectiligne par rapport à la surface terrestre voit le paysage défiler alors que la lune ou tout autre objet éloigné lui semble immobile. En réalité les deux positions occupées par la terre à 6 mois d'intervalle sont approximativement espacées de 300 millions de km. Un calcul simple montre qu'une étoile située à une distance de 1 parsec, se déplacerait d'un angle de 1 seconde d'arc (1") en six mois. Il est alors facile de trouver la distance d'une étoile quelconque, car le déplacement angulaire est inversement proportionnel à la distance. Ainsi par exemple l'observation d'un déplacement de 0.5" indique que l'étoile est située à une distance de 2 parsecs. La limite de cette méthode est fixée par le plus petit déplacement angulaire mesurable. L'une des principales limites à cette précision provient du phénomène de la turbulence atmosphérique. Les inhomogénéités de température et densité de la colonne d'air le long de la ligne de visée a pour effet de brouiller les images. Il devient alors difficile de déterminer avec précision la position d'une étoile. L'arrivée du télescope spatial Hubble a permis d'augmenter le rayon de validité de cette méthode par un facteur 10. Ce nouveau rayon de 200 parsecs porte le nombre initial de 700 étoiles à 700 000.

Figure 105a: Méthode de la paralaxe - Crédits: Martin Aubé CC BY-SA 3.0

{## \theta=\frac{1 ua}{r}##}

{## r = \frac{1 ua}{\theta}##}

Où r est la distance de l'étoile dont nous voulons déterminer la distance. r est explimé en unité astronomique et {#\theta#} en radian.

Le point convergent

Une autre méthode mérite une attention particulière: la méthode du point convergent. Cette méthode s'applique aux étoiles appartenant à un même amas. Si on néglige les fluctuations aléatoires de vitesses par rapport au centre de masse de l'amas (dispersion de vitesse), on peut admettre que toutes les étoiles de l'amas possèdent la même vitesse. Cette propriété facilement vérifiable est expliquée par le fait que toutes les étoiles sont nées d'une même nébuleuse. En raison d'un effet de perspective, le déplacement angulaire de ces vitesses individuelles parallèles sont toutes dirigées vers un même point (point convergent). Cet effet est similaire au lignes l'une longue route qui semblent se rejoindre à une grande distance de l'observateur. En fait la position du point convergent indique l'orientation de la vitesse de l'amas. En connaissant cette orientation et en mesurant la vitesse radiale par la spectroscopie, on peut déterminer la valeur de la vitesse transverse. Cette grandeur est alors comparée avec le déplacement angulaire observé. Cette simple comparaison permet de connaître la distance de l'amas (figure 105b). On évalue à 1 000 parsecs la portée de cette méthode.

Figure 105b: Méthode du point convergent - Crédits: Martin Aubé CC BY-SA 3.0

{## v_t=r \frac{d\theta}{dt}##} {## tan \alpha = \frac{v_t}{v_r} = \frac{r \frac{d\theta}{dt}}{v_r} ##}

{## r = \frac{v_r tan \alpha}{\frac{d\theta}{dt}} ##}

Ajustement de la séquence principale

À partir de cet échantillon d'étoiles on a pu caractériser leur magnitude absolue en fonction de leur groupe physique. Ce type de caractérisation est généralement représenté par un graphique ayant pour abscisse la température de surface de l'étoile et pour ordonnée la magnitude absolue. On appelle ce type de graphique le diagramme Hertzsprung-Russel (diagramme HR) (figure 103a). Il existe plusieurs versions de ce diagramme selon les variables choisies sur chacun des axes. La température est mesurée à partir de l'étude du spectre stellaire comme nous le verrons plus loin. Après avoir reconnu un type d'étoile particulier, on mesure sa magnitude visuelle qui est alors comparée à la magnitude absolue fournie par le diagramme HR. Cette comparaison permet de trouver la distance de l'étoile. Cette méthode n'est pas aussi précise que les deux autres car il y a une certaine dispersion dans le diagramme HR. Pour une classe d'étoile particulière, il existe une gamme de magnitudes absolues permises. Cette méthode prend tout son intérêt pour la mesure de la distance d'un amas trop éloigné pour que l'on puisse la déterminer à l'aide de la méthode du point convergent. Toutes les étoiles de l'amas sont reportées sur un diagramme HR ayant pour axe vertical la magnitude apparente (figure 105c). On superpose alors ce diagramme au diagramme HR exprimé en magnitude absolues. Lorsque la distribution stellaire des deux diagrammes coïncide, on mesure la différence de magnitude pour en déduire la distance. Cette méthode est beaucoup plus précise car on s'affranchit en partie de la dispersion par un effet de moyennage dû au grand nombre d'étoiles utilisées.

Figure 105c: Comparaison du diagramme HR de l'amas ouvert des Pléiades en magnitude apparente avec la séquence principale moyenne en magnitude absolue. La différence de magnitude de 5,5 permet d'estimer la distance à 125 pc. - Crédits: Martin Aubé CC BY-SA 3.0

{# m - M = -5 + 5 log_{10} d #}

{# d = 10^{ (m - M + 5)/5 } #}

{# d = 10^{ (5,5 + 5)/5 } = 126 pc#}

La première relation présentée ci-dessus est nommée "module de distance".

Les étoiles jumelles

Une variante de la méthode de l'ajustement de la séquence principale consiste à utiliser seulement une étoile et la séquence principale moyenne en magnitude absolue (courbe verte de la figure 105c). Le principe de base de cette méthode repose sur l'idée que deux étoiles de même température ou couleur possèdent la même luminosité. Il y a bien entendu des limites à cette méthode. Entre autre il faut réaliser que la séquence principale montre une distribution statistique autour de la moyenne. Cette dispersion des données implique une gamme de luminosités pour une même couleur et donc une certaine incertitude sur la détermination de la luminosité. De plus des étoiles peuvent avoir la même couleur mais des luminosités totalement différentes si elles sont à deux stades évolutifs différents comme par exemple la séquence principale et les géantes. Afin d'éviter cette erreur, il est plus prudent de s'assurer que les deux étoiles dites jumelles ont non seulement la même couleur, mais qu'elles sont carrément de même type spectral et de même classe de luminosité. L'intensité relative des raies du spectre d'absoption donne le type spectral et largeur de ces mêmes raies (relié à leur intensité absolue) donne la classe de luminosité. Ainsi, les mesures spectrales donnent beaucoup plus de cédibilité à l'hypothèse de base de la méthode des étoiles jumelles, à savoir que deux étoiles de même caractéristiques spectrales devraient avoir des temératures de surface et des tailles très similaires, d'où une même luminosité et une même magnitude absolue. Finalement, le module de distance (m - M) détermine la distance inconnue de l'étoile.

Les céphéides

Parmi ce plus grand échantillon d'étoiles de distances connues, on a pu notamment remarquer que certaines étoiles variables telles que les céphéides montrent une étroite relation entre leur magnitude absolue moyenne et leur période. Cette relation étant calibrée à partir d'autres méthodes, elle demeure beaucoup moins précise. La portée de cette méthode est toutefois limitée aux distances où les céphéides peuvent être observées individuellement au sein d'une galaxie (une demi-douzaine de galaxies proches donc quelque millions d'a.l.). D'autres catégories d'étoiles dont la magnitude absolue est connue (maximum d'une supernovae Ia (décrite plus loin), variable RR Lyrae) sont aussi utilisées comme indicateurs de distance.

Figure 105d: Relation période luminosité des variables céphéides (type I, bleu foncé ; type II, bleu clair) - Crédits: Observatoire de Paris / U.F.E.

Dans les bandes photométriques V et B la relation Magnitude absolue et période moyenne des céphéides de type I est données par:

{## M_V = -2,76 log( P ) - 1,40##} {## M_B = -2,43 log( P ) - 1,07##}

P est la période exprimée en jour.

Cette relation peut être exprimée sous forme d'une équation reliant la luminosité absolue de l'étoile à sa période:

Céphéide de type I: {##\frac{L}{L_\odot}= 400 P##}


Céphéide de type II: {##\frac{L}{L_\odot}= 100 P##}

Notez que {#L_\odot#} est la luminosité solaire = 3,83 x 1026 W

Les indicateurs secondaires

Les indicateurs secondaires sont très imprécis et les hypothèses sur lesquelles ils reposent sont parfois douteuses. Ils permettent néanmoins d'obtenir une valeur approximative de la distance d'une galaxie. Les sources de références utilisées sont beaucoup plus lumineuses ce qui étend considérablement la portée de ces méthodes. Certaines méthodes reposent sur une chandelle standard, c'est-à-dire reconnaître un type d'objet dont on connaît le mieux possible la magnitude absolue puis mesurer sa magnitude apparente. D'autres méthodes utilisent plutôt la taille apparente, des informations sur la vitesse radiale des objets, etc.

Exemple de chandelles standard

Les méthodes reposant sur les chandelles standard souffrent d'un important handicap, le rougissement interstellaire. En effet, la présence de particules le long de la ligne de visée retire par diffusion de Mie et de Rayleigh et par absorption une partie des photons émis par la chandelle. La quantité de photon retirée dépend de la masse de particules dans la colonne le long de la ligne de visée, de la répartition de taille des particules et de la distribution spectrale de la source (par ex. il y a plus de diffusion dans les courtes longueurs d'ondes). Le problème est qu'il est très difficile de connaître les propriétés des particules contenues dans la ligne de visée.

Néanmoins, on utilise par exemple la luminosité maximale d'une géante bleue ou celle d'une géante rouge, ou la luminosité maximale d'une supernovae Ia.

Les supernovae Ia, caractérisée par un spectre qui ne contient pas de raie d'hydrogène ou d'hélium, surviennent en raison d'un réaction thermonucléaire explosive autour d'une naine blanche qui a absorbé par effet de marée le gaz de l'atmosphère d'un compagnon stellaire plus massif. Cette réaction survient lorsque la masse de la naines blanches dépasse la limite de Chandrasekhar de 1,4 masse solaire et se solde par la destruction totale de l'étoile. On estime que l'énergie lumineuse dégagée par ce type de processus est relativement constant ce qui en fait un candidat comme chandelle standard. De plus comme la magnitude absolue de ce phénomène est considérable (M=-19.5+-0.2), la portée de la méthode en est d'autant plus grande (entre 10 millions et 10 milliard d'a.l.).

Figure 105e: Gauche: Spectre d'une supernovae Ia (SN1998aq) un jour après le maximum de luminosité dans la bande B - Crédits: Falcorian à partir des données de Matheson et al. 2008 CC BY-SA 3.0; Droite: Courbe de luminosité typique d'une supernovea Ia par rapport à la luminosité du Soleil (L0) - Crédits: Wikimedia CC BY-SA 3.0

Exemples d'autres indicateurs secondaires

Parmis ces méthodes la vitesse de rotation maximale de l'hydrogène atomique en fonction de la magnitude absolue de la galaxie (Tully-Fisher), la dimension d'une classe particulière de galaxies, le diamètre linéaire de la ou des plus grandes régions HII de la galaxie observée, etc. Les indicateurs secondaires sont calibrés à l'aide d'indicateurs primaires.

Figure 105f: Relation de Tully-Fisher. Relation entre la magnitude absolue d'une galaxie et le logarithme de la vitesse de rotation galactique maximale, pour un échantillon de 3000 galaxies de la base de données LEDA. - Crédits: Observatoire de Paris / U.F.E.

Actuellement les contantes acceptées pour la relation de Tully-Fisher dans la bande photométrique B sont données dans l'équation ci-dessous.

{## M_B = -5,8 log( V_m ) - 8.0##}

{#V_m#} est la vitesse de rotation maximale exprimée en km/s.

La dernière méthode que nous mentionnerons repose sur la constatation que les galaxies dont nous avons réussi à mesurer la distance, montrent une relation linéaire entre leur vitesse radiale et leur distance (figure 36). Cette observation faite par Hubble permet de déterminer la distance des galaxies lointaines par la simple mesure de sa vitesse radiale. On suppose dans une première approximation que la relation demeure linéaire pour des grandes distances. Le problème de cette méthode réside dans le fait que chaque galaxie possède une vitesse propre par rapport à la vitesse de récession prévue par l'expansion de l'univers (mise en évidence par la loi de Hubble). Il y a aussi une grande incertitude sur la constante de proportionnalité (constante de Hubble) principalement due à la difficulté de corriger convenablement pour le rougissement interstellaire.

Figure 105f: Loi de Hubble. Relation entre vitesse de récession d'une galaxie et sa distance - Crédits: NASA

La problématique des mesures de distance en astro

Tel que mentionné précédemment, la détermination des distances est un élément clé de l'étude de l'astrophysique toutefois il faut prendre conscience qu'à mesure que nous observons loin, nous devons utiliser des indicateurs de distance indirects soit secondaires ou terciaires. Ces indicateurs héritent de l'incertitude des indicateurs précécents ce qui fait croître grandement l'incertitude finale sur les distances. De plus comme il a été montré dans cette section, plusieurs méthodes reposent sur des hypothèses concertant le comportement moyen de populations d'objects similaires mais bien entendu dans ce cas il existe une forte dispersion des caractéristiques des individus par rapport au comportement moyen. En astrophysique, dans certains cas, il peut être acceptable d'avoir une incertitude de plusieurs dizaines de pourcent sur la mesure de la distance! A titre d'exemple, on estime que l'incertitude sur les distances mesurées avec la méthode de Céphéides peut atteindre 15% alors que pour la méthode des supernovae cette incertitude peut s'élever à 25%.


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