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L'astrophysique au collégial - Martin Aubé et François Gaudreau 2012


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La méthode scientifique

La méthode scientifique repose sur un lien étroit entre la description théorique et l'observation objective. L'objectif d'un scientifique est de fournir l'explication théorique reproduisant le plus finement possible les données recueillies par l'observation. Pour être acceptée, une théorie doit donc être validée par des mesures expérimentales. Nous devons cette caractéristique de la méthode scientifique à Galilée qui a été vraisemblablement l'un des premiers à avoir l'idée de confronter les idées théoriques à des observations. Ce dernier a voulu notamment vérifier si les masses les plus grandes tombaient plus rapidement du haut de la tour de Pise. Cette conviction était largement répandue dans la communauté scientifique de l'époque. Bien entendu ce n'est pas le cas tant que le frottement dans l'air demeure faible. Pour qu'une théorie soit acceptée, la différence entre la prévision théorique et la mesure doit être inférieure ou égale à l'incertitude propre à la mesure.

L'évolution des théories est donc directement reliée à l'évolution de la technologie dans la mesure où cette dernière fournit une instrumentation et des méthodes de plus en plus précises. Généralement, une théorie sera remplacée et souvent abandonné lorsque les nouvelles méthodes d'observation permettent de démontrer que la théorie s'éloigne de l'observation. Toutefois la nouvelle théorie doit permettre de démontrer que l'ancienne théorie découle de son approximation. Par exemple, la théorie de la relativité restreinte appliquée aux cas de faible vitesse doit se ramener aux lois de Newton.

Le travail du scientifique consiste donc à créer une "maquette virtuelle" (ou plutôt un modèle qui est souvent mathématique) qui permet de reproduire le comportement de la matière avec une justesse déterminée par l'incertitude des mesures disponibles. La théorie n'explique pas l'univers mais le décrit. La science ne possède donc pas la vérité mais fournit simplement les outils descriptifs les plus précis possibles.

Un travail scientifique doit aussi répondre au principe de parcimonie (ou rasoir d'Occam). Ce dernier implique qu'entre deux interprétation équivalentes du réel (en terme d'accord avec les observations), l'explication la plus simple doit être retenue.

L'évolution du modèle cosmologique

Pour bien saisir les caractéristiques propres à la méthode scientifique, nous observerons l'évolution historique des modèles cosmologiques. Cet exposé ne vise pas a donner un portrait complet car nous ne retiendrons seulement que certains éléments permettant d'illustrer le plus clairement possible l'objet de cette section.

L'élaboration de modèles cosmologiques primitifs marque probablement la naissance de la physique. En effet les anciens ont rapidement cherché des façons d'expliquer les mouvements des objets célestes. L'avancement de ces connaissance s'avérait essentielle à l'épanouissement économique dans la mesure ou le rendement des cultures et/ou de la cueillette reposait sur une bonne connaissance des cycles saisonniers eux mêmes déterminés par le mouvement des astres. De plus l'étude des astres permettait un meilleure gestion des mouvements migratoires en permettant une localisation dans l'espace. Nous ne présenterons que quatre étapes de l'évolution du modèle cosmologique qui se sont succédées en raison d'avancées techniques.

La perfection est dans l'eau

Thalès de Milet fût probablement le premier homme de science de la civilisation grecque. Il vécut aux environ de l'an 600 av. J.-C.. Thalès considérait l'eau comme principe fondateur. Ce choix n'étant pas surprenant de la part d'un insulaire. Le modèle cosmologique élaboré par Thalès considérait la Terre comme un radeau flottant sur la mer. Ce qui expliquait l'impression qu'un insulaire peut avoir de se trouver au centre de tout. En fait peu importe la direction d'observation tout semble comparable (isotropie). Le radeau serait, selon Thalès, au centre d'une bulle d'air hémisphérique dans laquelle les astres de meuvent. Ce modèle simpliste explique la succession du jour et de la nuit, dans la mesure ou le Soleil, qui est composé de feu, doit forcément s'éteindre lorsqu'il entre dans l'eau. Par contre le fait qu'il se rallume spontanément dès qu'il en ressort le lendemain matin demeure étrange. On pense toutefois qu'il s'agit bien du même astre jour après jour. Le modèle permet aussi d'expliquer l'origine des tremblements de terre car un radeau n'est jamais parfaitement stable sur l'eau.

Ce modèle cosmologique peut nous paraître bien simpliste mais il avait le mérite d'offrir des explications cohérentes à un certain nombre d'observations. Bien entendu l'explication demeurait satisfaisante dans la mesure de la précision des observations de l'époque.

La perfection est dans le cercle

Eudoxe de Cnide (IVe siècle av. J.-C.) propose un modèle cosmologique plus complexe permettant d'expliquer le mouvement des astres. Ce modèle repose sur l'idée que le mouvement circulaire est le mouvement fondateur de l'univers. On pense que le modèle composé de sphères homocentriques aurait été inspiré par Pythagore. Selon ce modèle, chaque astre se meut sur sa sphère propre et l'harmonie créée par l'ensemble de ces mouvements est associée à ce qu'on a nommé la musique des sphères. Pythagore était fasciné par le lien entre l'harmonie musicale et les nombres entiers.

Vous aurez compris que ce modèle est géocentrique (la Terre est placée au centre).

L'univers serait composé d'un feu primordial situé au delà d'une sphère opaque percée de milliers de petits trous. Ces trous qui laissent voir le feu sont les étoiles. Cette sphère tourne avec une période approximative de 23h 56min ce qui permet d'expliquer le mouvement diurne ainsi que la dérive de ce mouvement en fonction des saisons. Les 4 minutes manquantes multipliées par 365 donne approximativement 24 h. Le Soleil se déplace sur une autre sphère qui fait un tour en 24h. Ensuite viennent les sphères associées à la Lune et aux planètes connues à l'époque.

Ce modèle permet de faire des prévisions sur la position future d'un astre ce que ne permettait pas le modèle de Thalès.

Au fur et à mesure que les méthodes de mesure de position angulaire des astres et des méthodes de mesure du temps s'améliorères, il devint évident que certains phénomènes comme le mouvement rétrograde de Mars ne pouvaient être expliqués par le modèle d'Euxode. Le mouvement habituel de Mars dans le ciel se fait dans une direction avec une vitesse assez stable mais à l'occasion ce mouvement s'inverse temporairement avant de retourner à son état initial. Il est impossible d'expliquer ce comportement singulier avec des sphères concentriques. Plutot que d'abandonner le modèle, on le complexifia davantage en conservant la prémisse de base de l'universalité de la sphère. C'est ainsi qu'au IIIe siècle av. J.-C., la notion d'épicycles fait son apparition. L'épicycle est une sphère sur la sphère. En fait on imagine que les planètes tournent sur une petite sphère dont le centre se déplace sur une grande sphère centrée sur la Terre.

Cette théorie fut maintenue artificiellement beaucoup trop longtemps. Au fur et à mesure que de nouvelles observations contradictoires étaient faites, on ne la remettait pas en cause préférant la complexifier davantage. Dans cette situation, l'application du principe de parcimonie aurait favorisé son remplacement par un modèle héliocentrique. Ce modèle a perduré en Europe pendant près de 2000 ans!

La perfection est dans le Soleil

L'astronome polonais Nicolas Copernic termine vers 1530 l'écriture d'un ouvrage révolutionnaire intitulé De Revolutionibus Orbium Coelestium, Des révolutions des sphères célestes. L'ouvrage fut publié vers 1543 peu de temps avant sa mort. Dans cet ouvrage, Copernic avance la thèse héliocentrique. C'est-à-dire que le Soleil (Hélios) se situe au centre. Cette prise de position philosophique fondamentale simplifie grandement la représentation de l'univers car elle permet de revenir à de simples mouvements circulaires concentriques qui peuvent aussi expliquer le mouvement rétrograde de Mars. Dans ce modèle, le mouvement rétrograde est du aux positions relatives de la Terre (qui se déplace aussi autour du Soleil) et de la planète Mars car leurs périodes orbitales diffèrent. Ce modèle fut violemment condamné par le pouvoir religieux car il soustendait que la Terre, qui abrite l'homme fait à l'image de Dieu, n'était qu'un satellite du Soleil (une baisse de prestige!).

La perfection est dans les mathématiques

Il fallut attendre un peu plus de 60 ans pour qu'un astronome allemand du nom de Johannes Kepler améliore le modèle de Copernic en remplaçant le mouvement circulaire par un mouvement elliptique. Kepler réussit aussi à trouver des relations mathématiques reliant la distance orbitale et la période orbitale connues comme les lois de Kepler. Ces relations ont été trouvées empiriquement à partir des observations précises faites par l'astronome Tycho Brahé. Ce dernier, qui ne croyait pas en l'héliocentrisme, avait proposé un modèle hybride où les planètes tournaient autour du Soleil mais où le Soleil tournait autour de la Terre demeurée immobile (ce qui concorde avec certains écrits bibliques).

En 1687, l'anglais Isaac Newton publie Principes mathématiques de la philosophie naturelle. Il utilise des méthodes de calcul novatrices tel que le calcul vectoriel ainsi que la méthode des fluxions (le calcul différentiel tel qu'il l'avait proposé 20 ans auparavant). La théorie proposée par Newton, ne repose que sur trois lois dynamiques et sur la prépondérance des mathématiques comme langage de la physique. Grâce aux lois de Newton il est possible d'expliquer les lois empiriques de Kepler. La gravitation est expliquée par le concept de force qui agit à distance entre des masses.

Plus tard on se rendit compte que la théorie de Newton ne permettait pas d'expliquer finement le mouvement orbital de Mercure ce qui ouvrit la voie à la théorie de la relativité générale d' Albert Einstein (1916). Selon cette théorie, il n'y a pas de force de gravité mais seulement un espace déformable qui explique les mouvements orbitaux.

Résistance aux nouvelles idées

Ossification des cerveaux

L'histoire nous montre que, même si le scientifique cherche continuellement à améliorer ses outils de description de l'univers, certaines innovations sur le plan scientifique tardent à être acceptées par la communauté. Cette résistance est d'autant plus grande si l'innovation vient bouleverser des croyances ou des conceptions acceptées de longue date.

Prenons l'exemple de l'idée de la rotondité de la Terre qui a mis plusieurs siècles à s'imposer. En fait il faudra attendre le XIIIe siècle pour qu'elle finisse par être généralement acceptée (par l'Église). Pourtant Ératosthène (IIIe siècle av. J.-C.) avait non seulement prouvé que la Terre était ronde, mais il en avait mesuré le diamètre.

La démarche suivie par Ératosthène est assez intéressante. En parcourant des ouvrages de la bibliothèque d'Alexandrie, il avait lu que le 21 juin à 12h solaire local à chaque année, la lumière du Soleil se reflétait sur la surface de l'eau du fond d'un puits profond dans la ville de Syène (aujourd'hui Assouan). Cette information indiquait qu'à ce moment le Soleil est exactement au zénith (perpendiculaire au plan horizontal). Pourtant au même moment à Alexandrie, le Soleil n'était pas au zénith. Partant de l'hypothèse que la Terre soit ronde (cette dernière était appuyée sur le fait que son ombre sur la lune est circulaire lors d'éclipses lunaires), et en mesurant la distance entre Syène et Alexandrie il réussit à déterminer le diamètre de la Terre en pas de chameau.

L'exemple de Giordano Bruno (1548-1600) est aussi éloquent. Ce dernier défendait notamment la thèse héliocentrique de Copernic qui place le Soleil au centre de l'univers (contrairement à la théorie géocentrique généralement acceptée depuis la Grèce antique). Il fut accusé d'hérésie par la "Sainte" Inquisition, puis condamné à être brûlé vif.

Le célèbre Galileo Galilei (Galilée en français), eut aussi des difficultés avec l'Église toujours en défendant la thèse héliocentrique. Il fut plus chanceux que G. Bruno quant à sa peine. On lui imposa le silence et on le mit en retraite fermée jusqu'à la fin de ses jours. L'errance de l'Église sur ce dossier ne fut complètement reconnue par le pape Jean-Paul II qu'en 1992 bien que l'interdiction de diffusion des idées héliocentriques fut levée par le pape Benoît XIV au XVIIIe siècle.

Plus récemment, je soulèverais que la théorie de la relativité proposée par Einstein (1879-1955) ne lui a pas mérité de prix Nobel malgré son importance majeure quant à l'évolution de la perception du monde. Cette théorie s'est confronté à de nombreuses résistances du milieu scientifique. Il faut dire qu'elle révolutionnait complètement la mécanique Newtonienne en place depuis le XVIIe siècle. La prédiction de phénomènes non observés ou non expliqués auparavant (p.ex. déviation des la lumière des étoiles à proximité du disque solaire durant les éclipses solaires et le mouvement orbital non elliptique de Mercure) facilita l'acceptation de cette théorie.

Qu'est-ce qu'une théorie, un modèle?

Une théorie et un modèle sont des ensembles de lois, principes et de postulats qui permettent la compréhension de la nature. La théorie est souvent assimilée à la formulation mathématique de la compréhension.

Qu'est-ce qu'un postulat, un principe ou une loi?

Les loi, les postulats ou les principes sont à la base de théories plus larges. Par exemple, les lois de Newton sont à la base de la théorie du mouvement de Newton. Les lois doivent être validées par l'observation. Le postulat ou principe n'a pas à être démontré ou directement confirmé par une observation. Uniquement les conséquences découlant du postulat ont à être validées.

Quelle est la place des mathématiques dans la physique?

Pour le physicien, les mathématiques sont perçues comme le langage le mieux adapté pour manipuler et communiquer les concepts physiques. Les mathématiques permettent d'exprimer de manière extrêmement concise les phénomènes physiques. Mais le plus important est probablement que ce langage permet d'appliquer un cheminement logique dans le but de faire des prévisions. Certains concepts mathématiques qui pourraient paraître complètement inutiles et abstraits tel que le nombre imaginaire {# i = \sqrt{-1} #} ont une utilité majeure en physique. Par exemple le nombre i permet de décrire le comportement temporel en relativité (espace-temps). Le nombre imaginaire est aussi fort utile pour décrire les phénomènes ondulatoires.

Un autre concept qui pourrait paraître complètement abstrait est l'idée d'un espace de dimension infinie. Il est effectivement difficile de concevoir intuitivement un espace de dimension supérieure à 3. La relativité repose sur l'usage d'un espace de dimension 4 et la descriptions de l'état quantique de certains systèmes (comme l'atome d'hydrogène) requiert l'utilisation d'un espace de dimension infinie (une dimension par état quantique ou orbitale distinct mais le nombre d'état est infini).

Toutefois il est important de noter que le langage mathématique peut mener à des aberrations physiques. La solution mathématique à un problème physique n'est pas toujours physique. Par exemple dans certains cas où vous désirez trouver le temps requis pour qu'un événement futur se réalise et que la solution est une équation quadratique, il se peut qu'une des solutions soit négative. Un tel résultat est en complète incompatibilité avec la prémisse de départ que la solution est dans le futur. Le physicien devra alors faire preuve de circonspection pour exclure la solution non physique. Cette opération peut parfois être assez difficile à faire.


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